Sur les traces de ceux qui nous ont précédés à Mouzillon
Au sujet des guerres de Vendée : l'horreur et la honte.
La recherche généalogue montre très rapidement le traumatisme des dites "guerres de Vendée". Au Grand Plessix, les familles Guérin et Denis avaient été profondément touchées.
Les familles :
Mathurin GUERIN a connu la mort de sa fille et de son gendre : Jacques Pasquereau et Marie Guérin son épouse ont été tués le 20 mars 1794 au village de la Robinière.
Il a connu aussi la mort de son petit-fils, Pierre DOURNEAU (fils de François DOURNEAU et de Marie GUERIN), en octobre 1795
Jeanne BAHUAUD (épouse en 3ème mariage de Mathurin GUERIN) a connu la mort de son deuxième mari, Mathieu DENIS le 08/03/1794.
comprendre
Plus largement, Il importe de chercher à comprendre ce qui s'est passer à Mouzillon pendant les "guerres de Vendée".
Le nombre des morts de la commune est de 73 (voir liste jointe en annexe). Les dates et les lieux de ces morts présentent une dispersion : seule une étude beaucoup plus fine permettrait d'expliquer ce qui s'est passé.
Les mouzillonnais ne se sont pas montrés plus révolutionnaires que d'autres. Les cahiers de doléances ne révèlent pas une grande originalité.
Les mouzillonais ne se sont pas montrés plus religieux ou plus catholiques que leurs voisins au moment de la constitution civile du clergé en 1791.
Les mouzillonnais ne se sont pas montrés républicains au point de répondre à la levé en masse de soldat pour défendre la république face aux empires prussien et autrichien en 1792. Pourtant ils sont restés là sur leur territoire; ils n'ont pas émigrés comme ont pu le faire des nobles, dont les propriétaires du Grand Plessix.
Les mouzillonnais ne se sont pas montrés royalistes au moment de la mort du roi guillotiné le 21 janvier 1793. Ils n'ont pas répondu aux sollicitations des chefs vendéens qui prenaient les armes. Ils ne se sont pas manifestés lors de combats de Machecoul (le 11 mars 1793), ni à Torfou (le 19 septembre 1793), de Saint-Florent-le-Viel ou dans la virée de Galerne ( en octobre 1973).
Alors que s'est -il passé en 1794 pour que tant de morts soient dénombrés pour une commune paisible ?
que s'est-il passé ?
==> si l'on exclu ceux qui sont tués loin de Mouzillon (Hilaire DUGAST, Gabriel BARE, Pierre BOUCHAUD, Elisabeth PIOU et Pierre MENARD), la répartition par sexe et par age donne le résultat suivant
___tranche d'age_____________femmes________________hommes
de 0 à 15 ans_________________3______________________4
de 16 à 30 ans________________5______________________0
de 31 à 45 ans________________3______________________3
plus de 45 ans_______________15_____________________22
TOTAL==============26=====================29
Déjà nous pouvons remarquer qu'aucun homme de la tranche d'age 16-30 ans n'est mort. En revanche, la génération des plus de 45 ans paye un lourd tribut : plus de 50% des morts sont dans cette tranche d'age.
==> La répartition par date
La grande période de violence est le mois de mars 1794. On y dénombre 54 morts qui se répartissent ainsi
16 morts les 8 et 9 mars
26 morts le 20 mars
12 morts un autre jour de ce mois de mars.
Avant, en février 1794 on dénombre 2 morts : François BONHOMME, la Poulfrière / la Bottellerie et René BRAUD
En avril 1794, 1 mort
En octobre 1795 , 1 mort
En novembre 1795, 1 mort
La violence s'est donc concentrée en mars 1794. vraisemblablement en relation avec la conscription qui avait été décidée par le gouvernement et qui n'était pas acceptée par la population.
==> la répartition par cause de la mort
armée républicaine_____67
armée vendéenne_________5 (Jean PAPIN - la Grange, Pierre PICHON la Coudorière, Gabriel BARRE l'Aiguillette, Joseph COUILLEAU clos des Martinières, Pierre DOUEZI la Grange)
indéterminé____________1 (Mathurin BABONNEAU)
une hypothèse
En partant des faits attestés : Mathieu DENIS est tué le 8 mars 1794 et la maison où il habitait, 9 rue Saint Vincent a été détruite. L'épouse de Mathieu DENIS, Jeanne BAUHUAU a eu d'un premier mariage avec son frère Pierre 2 fils, Augustin né le 27/04/1775, et Alexis. Lors de la déclaration le 17 brumaire de l'an X, les deux fils ne sont pas mentionnés. Le 26 Vendémiaire de l'an X, Augustin avait pourtant attesté la tuerie de Jacques Paquereau et de Marie GUERIN. Auraient-ils eu une raison de ne pas être très à l'aise pour la mort de son beau-père ? peut-être si on imagine que Augustin avait refusé la conscription et avait été déserteur, caché dans le bocage, du côté de Lozangère ou du Grand Plessix...et que l'armée républicaine avait sévi en représailles, brulant la maison et tuant le beau-père...
Quand son demi-frère, Etienne DENIS, fils de Mathieu DENIS et de Jeanne BAHUAUD, célèbre son mariage avec Marie DEFONTAINE, le 08/07/1808 à Mouzillon, Augustin et Alexis DENIS ne sont pas cités comme témoins... La fraternité pouvait n'être pas facile.
Aussi en 1814, quand le fils Augustin encaisse l'agent donné en indemnité pour la réparation de la maison, reste un mal aise. Il n'y a plus de héros des guerres de Vendée. et la mémoire se fera assez vague, peu précise.
En partant des faits attestés : Claude DENIS est tué le 18 mars 1794. Le 23 brumaire de l'an X, la déclaration est faite par la veuve et les beaux-frères. En 1814 une indemnité sera donnée pour la maison.
En partant des faits attestés : Jeanne ESSEAU,veuve de Pierre BARON (la Frechotière - 15/03:1794), Jacques PASQUEREAU (mars 1794), Marie GUERIN, son épouse (mars 1794), Julien PASQUEREAU, père de Jacques (20 mars 1794), Anne BARON, mère de Jacques (20 Mars 1794), Pierre MENAGER (9 mars 1794), sont tués près de la Robinière, de Lozangère et de la Frechotière; Pierre DOURNEAU (octobre 1795) près de Beaurepère. De plus, le propriétaire, Mathieu BOULAY reçoit en 1814 une indemnité de 6000 francs en raison des destructions de maison... Des questions surgissent : Ces violences étaient-elles innocentes ? ou avaient-elles pour but de faire pression afin que le fils de Jeanne ESSEAU et de Pierre BARON, Pierre BARON né le 09/04/1775 qui était probablement déserteur soit dénoncé et livré ? Les forces républicaines, incapable de maitriser la jeunesse, ont fait violence (meurtres et destructions des maison) sur l'ensemble de cette communauté humaine.
En partant des faits attestés : Hilaire DUGAST est tué par les troupes républicaines le 30/06/1774 dans le bourg de la Chapelle; en 1814, la veuve sera indemnisée pour la destruction de sa maison. Ils sont les parents de Alexis DUGAST né le 17/07/1776 et de Olivier DUGAST né le 08/01/1775. De même, Françoise BONNEAU, veuve de René DUGAST est-elle la veuve de René DUGAST, la tante de Alexis, de Olivier et de Jean DUGAST ? Elle sera tuée le 10/03/1794. Question : n'y a-t-il pas un lien entre ces violences et la conscription de la jeune génération ?
En partant des faits attestés : Marie AUBIN, âgée de 31 ans, épouse de Jean GREGOIRE est tuée par les troupes républicaines le 08/03/1794. Et Jean GREGOIRE déclarera la destruction de sa maison : il sera indemnisé en 1814. Pourquoi ces violences ? n'est-ce pas parce que Marie AUBIN est la soeur de Pierre AUBIN, né le 26/11/1774 et qu'elle n'a pas su ou pas voulu dire où il se cachait...
En partant des faits attestés : Pierre BONNET, agé de 48 ans est tué le 15/03/1794; se parents Joseph BONNET, agé de 70 ans, et Jeanne RIPOCHE, agée de 60 ans, sont tués le 08/03/1794. En 1814, Jacques BONNET déclarera la destruction de la maison et sera indemnisé.
Les écrits indiquant que Marie LUSSEAU, épouse de Pierre MARCHAIS, résidant au bourg, est tuée dans le Clos de L'Audigère le 15/03/1794. La déclaration de décès est faite par sa fille Marie MARCHAIS. Comment expliquer ce décès si ce n'est qu'elle est la belle-Mère de Pierre MARCHAIS, le fils de son mari ? ... et que ce Pierre MARCHAIS n'est plus là.
Les écrit précisent que François BONHOMME de la Bottellerie a été tué dans le pré de la fontaine. N'est-il pas le père de François BONHOMME né le 02/09/1775 ?
Les écrits précisent que Marie LUNEAU, veuve de Jean LEVESQUE, épouse en seconde noce René LEBAS, âgée de 55 ans a été tuée dans le Clos du moulin, près de la Brangerie le 20/03/1794. Les registres indiquent aussi qu'elle est la mère de Louis LEVESQUE né le 11/04/1773 et de Pierre LEVESQUE né le 09/10177O à la Gaillotière. La déclaration de sa mort sera faite quelques années plus tard par Jean LEVESQUE son fils, Laurent TEIGNE son gendre et Pierre BARON son gendre. Comment expliquer que Louis LEVESQUE et que Pierre LEVESQUE n'étaient pas là pour la déclaration ... si ce n'est en raison de leur difficultés à assumer que leur désertion avait été l'occasion d'une répression violente contre leur mère ?
La liste peut se prolonger... René BRAUD, époux de Jeanne FLEURANCE, 60 ans, habitant le Bois Rouaud est tué à Clisson en février 1795... son fils Louis Braud était né le 27/08/1775 !
Dans le secteur de la Greuzardière, les liens de parentés étroits et la communauté de vie de chaque village sont particulièrement touchés par les représailles de l'armée républicaine. Jeanne ROZE, épouse de Louis BRILLOUET et ses trois enfants (Jeanne 8ans, Marie 5 ans, et Louis 2 ans) seront tués le 20/03/1794 au lieudit Puizerain. Michelle GUERIN 62 ans et René GUERIN 59 ans seront tués le 20/03/1794 dans le pré de la Douve. Marie BABONNEAU, veuve GABORIT, épouse MACON est tuée dans les Basses-Favries le 20/03/1794; Renée DROUET (68 ans), Louis PIOU sont tuées dans le champ des Boucheries le 20/03/1794; Jean BARON, veuf de Jeanne MARTIN et tué près du gros chène le 20/03/1794; Julien BABONNEAU, époux de Anne GREGOIRE, demeurant à la Grange est tué à la Greuzardière le 20/03/1794; Jeanne BRILLOUET épouse de Thomas DUGAST, 58 ans, est tuée à CHAMPOINET le 20/03/1794; Renée BRILLOUET, épouse de Pierre BRILLOUET et Pierre BRILLOUET sont tués à Champoinet dans le pré clos et dans le pré de la Quillette le 20/03/1794... ... leurs enfants, leurs frères, leurs oncles ne sont pas là ! Aussi les troupes républicaines sévissent.
Il en est de même à CHAINTE
Alors, que penser de ceux qui sont tués par les insurgés vendéens ? L'hypothèse serait que le sujet est le même et que le rapport de force est inversé. Pierre DOUEZI, époux de Jacquette BROCHARD, demeurant à la Grange n'a-t-il pas 2 fils Jean né le 24/12/1773 et Pierre né le 15/06/1775. La famille DOUEZI était-elle tentée de dire oui à la conscription ???
En d'autres termes, il ne s'agit pas d'un génocide, il s'agit d'une armée républicaine qui utilise la violence, la mort et l'incendie pour imposer sa loi à une population qui refuse de laisser ses jeunes se faire enrôler ! La raison d'état s'est faite déraisonnable !
la répartition selon les lieux
la zone la plus touchée a été le secteur de la Greuzardière, la Brangerie, Champoinet et la Grange, tant par le nombre de morts que par les destructions des habitations.
De nombreuses maisons et bâtiments avaient été incendiés ou détruits puisqu'à partir de 1812 une indemnité sera accordée pour ce motif aux propriétaires (voir document joint); Augustin DENIS est cité, vraisemblablement pour une maison au bourg qui aurait été détruite en 1794... ce qui expliquerait que le reste de la famille se soit réfugié au Grand Plessix. Cette maison était vraisemblablement située là où est celle qui porte le n° 9 de la rue Saint Vincent.
Selon une tradition orale, la croix de la Motte, située en haut de la rue de la ville en terre, avait été abattue et mise en morceaux par les républicains. Les restes auraient été rassemblés et un calvaire a été de nouveau élevé; il disparaîtra à la suite d'une tempête en 1975.
Le conseil municipal, dans sa délibération du 28 février 1813 mentionne que "l'église a été entièrement brûlée par les troubles du pays... le presbytère a été brulé par les dits troubles".
un contexte
Ces évènements ont donc dû laisser des traces dans la mentalité des descendants.... Dans le domaine politique, l'attachement à la république sera limité et les votes seront souvent légitimistes; dans le domaine religieux, nous retrouverons un nombre important de religieuses et de prêtres dans ces familles.
les propriétaires de la ferme du Grand Plessix, la famille Bascher résidant à la Beurrière – La Chapelle Basse-mer, ont émigré. Pour se faire payer, le receveur des impôts a vendu une parcelle de pré située dans les Rubras. Les acquéreurs n'ont pas été les exploitants qui ne voulaient peut-être pas porter ombrage à leur propriétaire en achetant une parcelle de leur bien, mais l'acquéreur a été un petit propriétaire qui demeurait de l'autre côté de la Sanguèse.
De plus, on peut penser que ce n'est pas un hasard si la famille GUERIN n'est pas au conseil municipal sous l'empire mais y arrive sous la restauration. En 1822 on trouve Mathurin Lefort et Mathurin Guérin parmi les membres du conseil municipal. Cette famille avait des raisons pour ne pas apprécier la révolution et les idées qu'elle porte.
Les troubles les plus violents se sont produits au cours de l'année 1794. Mais les années qui suivent ont été marquées par une désorganisation de la vie publique qui a sûrement marqué profondément les habitants de Mouzillon.
d'autres histoires dans l'histoire
En revanche, une tradition orale justifie le nom de « sanguèse » donné à la rivière à cause du sang qui y a coulé. Mais les registres attestent que ce nom était donné bien avant la fin du XVIIIème siècle.
Cependant on ne peut pas écarter que cette tradition orale porte en elle la référence à d'autres violences qui s'y sont exercé dans l'antiquité, ou à l'époque wisigoth ou au cours du moyen age.
Enfin des lieux portent des noms qui sont comme des énigmes : « la croix des justices » ou le pré de la « boucherie »... ces noms renvoient à des évènements sûrement marquant puisqu'ils sont imprimés dans la mémoire des habitants mais ces événements sont antérieurs aux guerres de Vendée,